Rencontre avec le chercheur Abdelmalek Terkmani
au Musée Mohamed VI à l'exposition
Maroc Médieval : Un empire de l'Afrique à l'Espagne
Le 26 Juillet 2015
Le groupe de
Marrakech est arrivé à Rabat à11h30. Ont rejoint ce groupe, deux personnes de Rabat, 4 de Casablanca et 1 de Kénitra.
Le Musée
Mohammed VI, inauguré le 8 octobre 2014 par SM le Roi, est dédié
essentiellement à l’art moderne et
contemporain, qui occupe le premier étage, pour le moment. Depuis 2012 au
moins, il était prévu que l’Exposition « Le Maroc médiéval », après
avoir séjourné au musée du Louvre à
Paris, viendrait au Maroc, pour faire
connaître et amplifier l’annonce des activités de ce musée auprès du public marocain
et du monde des arts.
Le Maroc
médiéval
La visite de
l’exposition itinérante « Le Maroc médiéval » (4 mars-1 septembre
2015) a été organisée le dimanche 26 juillet 2014, pour profiter d’une occasion unique et
exceptionnelle d’admirer des pièces liées à l’Histoire du Maroc. Ces pièces proviennent des quatre coins du monde et il
serait très difficile et très coûteux de les réunir de nouveau dans la même
exposition, avant quelques dizaines d’années.
Il y a
environ 220 objets exposés à Rabat alors que Le Louvre à Paris en présentait
300. La période couverte par cette exposition est d’environ 600 ans et concerne
les dynasties des Idrissides (789-985), des Almoravides (1049-1147), des
Almohades (vers1116-1269) et des Mérinides (1269-1465).
Certaines
pièces ont donné lieu à une présentation détaillée et un échange d’idées très fructueux.
·
Lustre-cloche
de la mosquée al-Qarawiyyine 733-737 H / 1333-1337
Les troupes du roi mérinide Abu Al Hassan ont rapporté à Fès ce butin de
Jabal al-Fath (Gibraltar).
Cette cloche a ensuite été transformée en lustre, par un excellent travail d’orfèvre. Il a été nécessaire de construire une coupole spéciale dans la mosquée al-Qarawiyyine, compte tenu du poids de la cloche. Malgré tout, on dit que cette cloche qui sonnait les heures de prière chez les Chrétiens, éclaire maintenant les travées d’une mosquée de l’Islam, et que c’est un bon signe de rapprochement.
Livre d’Ibn Battouta, « Voyages »
Quelques
vers extraits du livre original « Voyages »(Rihla) d’Ibn Battouta décorent
bien le hall central du musée. Si Hajib Jerbi de notre groupe de Kénitra, a
très bien expliqué la forme grammaticale de ces vers. On voit bien que c’est un
voyageur et un géographe qui s’exprime ; il parle des mouvements apparents
du soleil et de la lune, les deux astres
qui indiquaient le lieu et l’orientation
aux caravanes qu’il suivait.
Aujourd’hui, on dirait que le Maroc est le plus beau pays du monde, mais pas
pour les mêmes raisons….
L’Occident
(le Maghreb) est la plus belle des
terres
Et j’en ai
la preuve :
La pleine
lune s’y observe,
Et vers lui
le soleil se rend
Ibn Battouta,
Astrolabe d’Abû Bakr Ibn Yûsuf
Astrolabe d’Abû Bakr Ibn Yûsuf, exposé au Louvre, en octobre 2014. |
En laiton (alliage de cuivre et de zinc).
Diamètre : 15,2 cm
Cet astrolabe est exposé habituellement au Musée Paul-Dupuy à Toulouse.
Il a été fabriqué à Marrakech en 613H/ 1216-1217.
Il est conçu pour fonctionner
sous la latitude des villes de : Saragosse (41°30’), Tolède (40°), Cordoue
(38°30’), Séville(37°30’), Almeria(36°30’), Sebta(35°30’), Fès ( 33°40’),
Marrakech(31°), Al Qods(32°), Misr(29°55’), Médine (25°) et la Mecque(21°40’).
Tout le groupe a suivi un bref exposé à côté de la vitrine
« scientifique », et de nombreuses questions ont été posées, ce
qui montre l’intérêt porté à cet astrolabe et à son fabricant. Voici résumées
ces questions/ réponses :
Comment cet astrolabe est-il parvenu à Toulouse ?
Probablement parce qu’il était prévu pour fonctionner à Saragosse assez proche, en Espagne. Il a dû constituer un butin des armées françaises voisines.
Probablement parce qu’il était prévu pour fonctionner à Saragosse assez proche, en Espagne. Il a dû constituer un butin des armées françaises voisines.
Planisphérique ?
On savait que la terre est ronde et qu’elle est enveloppée
par la sphère céleste sur laquelle sont incrustées les étoiles. On a trouvé
plus pratique de travailler sur un plan que sur une sphère. Donc on a projeté
sur un plan ce qui a sur la sphère. D’où planisphérique. Par exemple l’araignée
est une représentation plane de la voûte céleste.
Nombre de tympans ?
un tympan comporte des éléments liés à la latitude
d’un lieu. On ne voit pas une étoile, mettons polaire, sous le même angle quand
on est à Stockholm ou à Marrakech. Les tympans d’Abû Bakr sont utilisables sur les deux faces, ce qui explique qu’il y a deux
fois plus de villes que de tympans.
Pourquoi un heurtoir et un astrolabe dans la même
vitrine ?
Les
heurtoirs des portes de mosquées, par exemple, sont gravés par des prières
(Bismillah). Il y a donc un travail de gravure et aussi de calcul géométrique,
de telle manière que heurtoir et astrolabe sont fabriqués dans les mêmes
ateliers.
Pourquoi
le nom des savants fabricants de ces astrolabes ne figure-t-il pas dans la
vitrine ?
De nombreux
articles ont été consacrés à cette question.
On peut dire qu’il ne s’agit pas d’un oubli, mais d’une volonté délibérée
de cacher les noms de ces astronomes. Ces derniers sont Abû Bakr Ibn Yûsuf (Marrakech) pour l’astrolabe de droite et Abû al-Fattouh
al Khamayri (Marrakech et Séville) pour l’astrolabe de gauche. On ne comprend
pas que ces noms soient donnés quand ces astrolabes sont exposés dans le monde
entier et disparaissent quand ils sont exposés au Maroc, pays de ces
astronomes !
Pourquoi
cet astrolabe serait-il l’un des plus admirés au monde ?
Parce que sa
photo fait la couverture de nombreux ouvrages sur l’astronomie comme ‘’Les
instruments de l’astronomie ancienne’’ et ‘’L’Astrolabe, histoire, théorie et
pratique’’. Dans ce dernier ouvrage, l’auteur Raymond d ’Hollander prend cet
astrolabe comme modèle et l’étudie pièce
par pièce, car dit-il, il est particulièrement complet et précis. De plus, il
est exposé dans les grands musées du monde.
La visite
s’est poursuivie dans le premier étage pour le volet art moderne et
contemporain.
On note
quand même que les concepteurs de ce musée ont bien donné le nom de certains
peintres marocains contemporains à des salles d’exposition : Salle
Gharbaoui, salle Charkaoui, ce dont il
faut se féliciter, mais on est forcé de penser que nos astronomes du 13ème
siècle, illustres pourtant depuis des siècles à l’étranger, n’ont pas de chance
dans le Maroc actuel.
Note : Pour plus d’informations sur le Maroc médiéval, Abû Bakr Ibn Yûsuf et son astrolabe, voir
Abdelmalek Terkmani, chercheur international
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